Sous le titre d’un dossier intitulé « Traduction et paratexte », la revue Atelier de traduction de l’Université Ştefan cel Mare Suceava de Roumanie lance un appel à articles pour son numéro 30 qui sera coordonné par les professeures Marie Hélène Catherine Torres de l’Université Fédérale de Santa Catarina, Florianopolis (Brésil) et Muguras Constantinescu de l’Université Stefan cel Mare de Suceava, Suceava (Roumanie). Vous êtes prié(e)s d’envoyer les articles jusqu’au 30 août 2018 aux courriels des professeures coordinatrices mentionnées ci-dessus qui ont rédigé le texte d’appel suivant:
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Nous proposons comme sujet de réflexion pour le Dossier thématique du numéro 30 de la revue Atelier de traduction la relation complexe entre « Traduction et paratexte ». Nous envisageons la notion de paratexte dans son sens large, comprenant toutes les sous-catégories proposées par Gérard Genette (Seuils, Seuil, coll. « Poétique », Paris, 1987). Nous nous intéresserons donc à tout ce qui accompagne de près ou de loin un texte en train de devenir ou devenu traduction, dans son passage vers une autre langue et une autre culture.
Comme on le sait, Genette désigne par le terme « paratexte » tout ce qui entoure et prolonge le texte. Le poéticien français identifie deux sortes de paratexte, qui réunissent des textes et des pratiques hétéroclites émanant, d’une part, de l’auteur (paratexte auctorial), d’autre part, de l’éditeur (paratexte éditorial). Le paratexte situé à l’intérieur du livre est nommé « péritexte » et comprend le titre, le(s) sous-titre(s), les intertitres, les nom de l’auteur et de l’éditeur, la date d’édition, la préface, les notes, les illustrations, la table des matières, la postface, la quatrième de couverture, éventuellement la dédicace, l’avertissement et d’autres types de texte occasionnels. Le paratexte, situé à l’extérieur du livre, est nommé « épitexte » et comprend des entretiens et interviews donnés par l’auteur avant, après ou pendant la publication de l’œuvre, sa correspondance, ses journaux intimes ou extimes et d’autres textes de type « tablette », « notes », « essais », plus récemment « blog », « carnet de recherche », « billet » et d’autres pratiques en ligne qui commentent, expliquent, interprètent le texte proprement-dit, en l’occurrence la traduction. La maison d’éditions, la collection, la série où l’ouvrage est publié sont des éléments péritextuels qui comptent aussi (Chiara Elefante, Traduzione e paratexto, Bononia University Press, coll. « Studi Interdisciplinari su Traduzione, Lingua e Culture », Bologne, 2012).
La réflexion à laquelle nous invitons par notre dossier « Traduction et paratexte », concerne tous ces cas de figure du paratexte qui, d’une façon ou d’une autre accompagne, commente, éclaire le texte traduit et lui assure une bonne entrée et une bonne réception dans une langue, une littérature et, implicitement, une culture étrangère. Dans ce sens, il peut être envisagé comme un discours d’accompagnement (Marie Helene Catherine Torres, Traduzir o Brasil Literário : paratexto e discurso de acompanhamento, vol 1, Copiart; Florianópolis: PGET/UFSC, 2011)
Un phénomène très intéressant à étudier est, sans doute, ce qui change et se modifie dans le paratexte lorsque l’original se métamorphose, en devenant traduction ou texte traduit : la préface qui a accompagné l’original est, en général, remplacée par une nouvelle préface due, le plus souvent due à un critique appartenant à la culture étrangère et qui porte sur l’écrivain ou l’œuvre traduits. Plus rarement, on trouve des préfaciers qui donnent leur avis sur la manière dont le texte a été traduit et qui sont par cela d’autant plus intéressants pour notre dossier. Il arrive aussi que le traducteur lui même, doublé par un critique ou historien de la littérature, propose une préface/postface focalisée sur son auteur ou sur l’œuvre traduite. Moins souvent, il dévoile sa position de traducteur, avoue ses difficultés de traduire, justifie certains de ses choix traductifs. On peut parler dans ce cas de la voix du traducteur, qui jouit d’une bonne place également dans les notes qu’il trouve nécessaire de proposer en bas de page ou en fin du texte traduit.
C’est chose bien connue, partout dans le monde, le traducteur a ressenti le besoin de s’adresser à son lecteur et de parler de son travail, du contexte dans lequel il l’a accompli, de formuler des appréciations sur le travail de ses prédécesseurs ou de ses contemporains, parfois d’exprimer des idées théoriques sur ce qui semble, à première vue, essentiellement une pratique, notamment la traduction. Sa voix se fait entendre dans des lieux paratextuels qui changent d’une époque à l’autre et une incursion dans l’histoire des traductions est bien éloquente dans ce sens, car elle peut montrer que certains topoï du discours paratextuels concernant la traduction sont dépassés et que des problèmes nouveaux sont soulevés. Une incursion dans l’histoire des traductions peut bien cartographier les tendances paratextuelles en train de devenir désuètes et les tendances en train de s’imposer.
La relation entre traduction et paratexte peut s’avérer dangereuse, en renfermant la première dans des lieux communs mais également fructueuse, se dévoilant comme ferment de changement et de nouveauté. On peut suivre à travers les différents discours paratextuels l’évolution de la voix du traducteur, exprimant quelques idées sur la traduction vers une « conscience » du traducteur, assumant toute une vision sur la traduction et le traduire (Muguras Constantinescu, La traduction sous la loupe – lectures critiques de textes traduits, coll. « Nouvlle Poétique comparatiste »,Peter Lang, Bruxelles, 2017).
La notion plus récente de « paratraduction », due à José Yuste Frias, conçue comme réunissant textes et pratiques qui accompagnent et prolongent la traduction, construite par analogie avec le paratexte, servant de discours d’escorte au texte, mérite elle aussi une réflexion approfondie (https://seuils.hypotheses.org/author/seuils).
Le dossier « Traduction et paratexte » se veut une invitation à explorer les pistes suggérées ci-dessus et d’autres à découvrir à la propositions de nos collaborateurs.
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Pour d’autres renseignements pratiques, nous vous invitons à consulter le site de la revue et sur le site de fabula.
J.Y.F.